Une vente aux enchères du patrimoine de la chambre de commerce suscite un tollé



Le contraste saisit. D’un côté, le grand hall du palais de la Bourse à Marseille, siège la chambre de commerce et d’industrie (CCI), accueille ces jours-ci une grande exposition numérique sur la Joconde. De l’autre, cette même CCI projette de vendre aux enchères 187 œuvres de sa collection, dont des peintures de Raphaël Ponson, figure marquante de l’école de Marseille, pour ne citer qu’un exemple.

Un « avis d’appel public à la concurrence », autrement dit un appel d’offres, a en effet été lancé pour trouver un commissaire-priseur, avec la double mission d’évaluer les différents objets de la collection de la CCI, et d’organiser par la suite une vente. L’information, révélée par notre confrère de La Marseillaise, a provoqué un tollé dans une ville qui semble décidément fâchée avec son patrimoine, après les épisodes de la Corderie ou de la Villa Valmer.

Réunion fin mars en préfecture

« On dit stop ! », lance ainsi Bruno Terrin. Issu d’une grande famille d’armateurs marseillais, il porte le projet d’un musée dédié au patrimoine maritime de la ville. Pourquoi pas, espère-t-il convaincre, dans l’ancienne gare maritime de la Major. « On est conscient des problèmes des chambres consulaires, et du braquage de l’Etat qui pompe la trésorerie des CCI avec ses baisses de dotation, mais cela n’autorise pas à vendre les bijoux de famille, poursuit-il. Des solutions doivent être trouvées pour préserver cette mémoire, toutes ces maquettes anciennes et archives. » Il a lancé une pétition en ligne, qui a déjà réuni 400 signatures.

De son côté, Jean-Marc Coppola, adjoint au maire en charge de la culture, dénonce « une vente qui n’est pas acceptable » : « Au-delà des œuvres, de leur valeur, c’est la mémoire du commerce et des travailleurs. C’est dommage que ce fonds ne soit pas classé comme musée de France, cela le rendrait inaliénable. » Pour bloquer la vente, l’élu a saisi la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles).

Une réunion en préfecture est prévue le 31 mars prochain avec tous les acteurs du dossier. Des négociations sont déjà en cours. Pour autant, « la ville de Marseille n’est pas intéressée par tout le fonds, la solution n’est pas d’ouvrir un 15e musée, le budget de la ville est contraint », précise Jean-Marc Coppola.

Stockage dans des containers

Le président de région Renaud Muselier a aussi affirmé sa volonté de ne pas disperser « un ensemble rare et précieux ». Car les 187 œuvres en question font partie d’une collection d’environ 50.000 objets, dont les pièces les plus remarquables ont longtemps été exposées au musée de la marine de la CCI. Il a fermé ses portes en 2018, comme le musée des Tissus à Lyon (depuis cédé à la région). Pour faire simple, avec les réformes territoriales, les chambres consulaires n’ont plus eu les moyens de conserver leurs collections. Celle de Marseille est en grande partie aujourd’hui stockée dans des containers.

« A Lyon, les collectivités ont pris part au sujet, fait valoir Jean-Luc Chauvin, le président de la CCI. Si elles prennent en charge un lieu muséal moderne, cela peut changer beaucoup de choses. » La levée de boucliers lui laisse un goût amer, tout comme les discussions avec le Mucem après le travail d’inventaire mené en 2017 : « Il était question qu’on fasse un dépôt d’œuvres, mais ils nous demandaient un budget annuel de 366.000 euros ! » Pour sa part, le Mucem appelle à mener « un véritable chantier des collections ».

Un début de rétropédalage ?

Selon Jean-Luc Chauvin, la vente aux enchères « est une possibilité, inscrite dans le marché public, mais pas une obligation ». Et dans tous les cas, elle ne concernera « que les œuvres acquises par la CCI, pas celles issues de donations, il n’a jamais été question de cela. » « Depuis 2017, nous travaillons à trouver une solution pour que la partie remarquable des collections puisse rejoindre un musée pour être visible », assure-t-il. Selon lui, le marché public permet ainsi avant tout « de faire un état des lieux ». Il entend la semaine prochaine dévoiler le nom des experts missionnés pour arbitrer la meilleure manière d’opérer.

Il annonce aussi la prochaine création d’un fonds ou d’une fondation du patrimoine économique et culturel de la CCI. « Nous faisons appel aux entreprises marseillaises, aux forces économiques et aux collectivités territoriales, à tous ceux qui le souhaitent de contribuer activement à la remise en état des collections, à la mise en lumière et à l’exposition dans un espace digne de ce nom », énumère Jean-Luc Chauvin. Rétropédalage ou pas, la communication sur ce dossier change en tout cas de ton. Et si cette polémique, finalement, parvenait à faire bouger les choses ?



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