« On travaille à perte »… Devant les dépôts pétroliers, les pros du BTP dépités


Ils reconnaissent être « débordés » par le boulot. Avec la reprise économique, le secteur du bâtiment et des travaux publics s’est remis la tête à l’endroit. Après avoir été secoués par la crise du Covid-19 puis l’envolée du prix des matériaux, les professionnels du BTP doivent désormais composer avec l’explosion du prix du gazole qui alimente leurs camions et du GNR (gazole non routier) qui fait fonctionner leurs machines. À bout, plusieurs patrons ont voté en faveur d’un blocage des dépôts pétroliers depuis mardi. D’abord à Brest et Lorient mais aussi à Vern-sur-Seiche, près de Rennes, où nous avons pu les interroger sur la réalité de leur problème. Tous font le même constat : « On travaille à perte. »

Fabien est à la tête d’une entreprise de transport spécialisée dans les travaux publics. Chaque jour, lui et ses cinq salariés livrent des gravats, des enrobés, de la terre ou du sable sur les chantiers. « En ce moment, ça me coûte de l’argent de les faire rouler », explique le jeune homme qui estime « perdre 120 € par jour » en raison de la flambée du prix du gazole. Depuis mardi soir, il bloque les accès du dépôt pétrolier Total de Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine). « On n’a plus le choix. Si on ne fait rien, on ferme la porte et dans trois semaines, on n’existe plus ». Et la promesse de la baisse de 15 centimes par litre de carburant ? « C’est pour endormir les gens ».

Des annonces jugées insuffisantes

Ce mercredi, le Premier ministre a annoncé de nouvelles mesures, notamment la prise en charge d’une partie des surcoûts des entreprises très consommatrices d’énergie. Cette aide bénéficiera aux entreprises dont les dépenses de gaz et d’électricité représentent « au moins 3 % de leur chiffre d’affaires, et qui pourraient faire des pertes sur 2022 », a fait savoir Jean Castex. Toujours insuffisant aux yeux des patrons du BTP. « On attend des mesures concrètes une bonne fois pour toutes. Pour nous, le prix du gazole non routier a été multiplié par 2,5. Quand on a des machines qui consomment 100 à 150 litres par jour, ce n’est plus possible. On demande un accord sur les prix, sur le long terme. Là, on perd de l’argent », dénonce Ludovic Priser, patron de la petite entreprise du même nom. Si les prix se maintiennent à ce niveau, le Breton estime qu’il perdra « au moins 110.000 € » cette année. « On fait surtout des chantiers chez les particuliers mais ils refusent de répercuter le prix ».

Christophe est du même avis. Lui loue des engins de terrassement avec chauffeurs en Ille-et-Vilaine. Ce patron qui emploie environ 20 salariés est dépité par la crise qu’il subit. « Avant, le carburant, c’était environ 10 % de mon chiffre d’affaires, mais là, c’est passé à 20 % en quelques semaines. Le prix du litre a grimpé de 150 %. Qui peut absorber une telle inflation ? L’État et les collectivités doivent se mobiliser, ils doivent accepter d’absorber les coûts supplémentaires. Sinon, on ne sera plus là », met en garde le patron. Lui estime « perdre 20.000 € par mois » depuis la flambée du gazole et du GNR.

Alors que Jean Castex vient de terminer la présentation de son « plan de résilience », l’heure est aux discussions devant les dépôts de carburant bretons. Faut-il continuer à bloquer et faire craindre une pénurie de carburant dans le pays ? Dans les rangs des manifestants, la réponse semble sans appel. « On ne lâchera pas ».



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