La vraie histoire qui a inspiré la série aux accents cannibales



Difficile de ne pas penser au drame de la cordillère des Andes devant le thriller survivaliste signé Showtime Yellowjackets, créé par Ashley Lyle et Bart Nickerson (Narcos). Portée par Christina Ricci (Sleepy Hollow, La Famille Adams) et Juliette Lewis (Tueurs nés, Les nerfs à vif), la série disponible sur MyCanal depuis le 3 mars raconte comment des lycéennes d’une équipe de football ont survécu à un crash d’avion dans une région sauvage du Nord des Etats-Unis.

Yellowjackets – « les vestes jaunes », référence aux couleurs de l’équipe des héroïnes –, navigue entre deux temporalités : les années 1990 où ces adolescentes doivent survivre dans une nature hostile (et peut-être hantée, on ne sait pas trop) ; et vingt-cinq ans plus tard où quatre d’entre elles se débattent avec leurs démons, au sens propre comme au figuré.

La série surfe sur plusieurs genres – teen drama, gore, horreur psychologique, paranormal – et parvient à créer un suspense suffocant mais terriblement jubilatoire. Yellowjackets sème le doute entre le paranormal, la folie, l’hallucination si bien que le public adhère au récit sans se poser de questions. Les jeunes filles vont-elles finir par s’entretuer ? Manger les restes des cadavres pour survivre ? Certaines d’entre elles sont-elles possédées ? Alors que la série suggère l’anthropophagie sans le montrer (peut-être en saison 2), il suffit de faire un détour par l’histoire du vol Fuerza Aérea Uruguaya 571 pour imaginer comment ces jeunes filles ont pu s’en sortir et pourquoi elles ont scellé un pacte de silence.

« Vous devenez très intelligent quand vous êtes en train de mourir »

Le parallèle saute aux yeux et les créateurs de la série ne cachent pas s’en être inspirés. Le crash du 13 octobre 1972 a déjà fait naître un film, Les survivants (Alive) sorti en 1993, avec Ethan Hawke. L’avion dans lequel se trouvaient des joueurs de rugby de l’équipe des Old Christians de Montevideo s’est écrasé dans la cordillère des Andes. Pendant deux mois, les seize survivants ont dû affronter la faim et le climat extrême. Se croyant condamnés, ils ont fini par manger le corps des passagers morts, dont les restes ont été préservés par le froid, transgressant ainsi l’un des principaux tabous de nos sociétés humaines. Si dans la vraie histoire, il s’agit d’hommes et non de femmes et s’ils ont été secourus au bout de deux mois et non de dix-neuf mois, les similitudes sont nombreuses avec la série américaine.

Le personnage de Misty (Christina Ricci) rappelle Roberto Canessa, l’un des survivants devenu médecin qui a écrit un livre pour raconter son histoire : I had to survive : How a plane crash in the Andes inspired my calling to save lives (2017). « J’étais étudiant en médecine, je m’occupais des blessés, expliquait-il à National Geographic lors d’une interview parue en 2016. J’ai dû drainer les infections des jambes des garçons et stabiliser les fractures. J’étais également chargé de transporter les cadavres, ce que certaines personnes ne supportaient pas. Nous avons fait fondre la neige pour obtenir de l’eau. Nous avons rempli nos chaussettes de rugby de viande pour la randonnée et utilisé l’isolant de la cuisine pour fabriquer des sacs de couchage. La nuit, nous utilisions des ballons de rugby pour uriner parce que si vous alliez dehors, l’urine aurait gelé. Vous devenez très intelligent quand vous êtes en train de mourir ».

L’équipe pour la survie

Dans cette interview, il avançait qu’il ne s’agissait pas de cannibalisme, qui implique d’avoir tué la personne avant de la manger, mais d’anthropophagie. « Nous devions manger ces cadavres. La chair contenait des protéines et des matières grasses, dont nous avions besoin, comme la viande de vache. J’étais habitué aux procédures médicales, il m’était donc plus facile de faire la première coupe. (…) Votre bouche ne veut pas s’ouvrir parce que vous vous sentez si misérable et triste de ce que vous devez faire. » Pour lui, ils n’ont pas survécu grâce aux cadavres mais parce qu’ils ont fait équipe entre survivants, comme dans Yellowjackets.

Dans la série, toutes les adolescentes qui ont eu le malheur de s’éloigner de la horde n’ont pas survécu ou ont fini très mal en point : l’une voit son visage arraché par des loups, une autre explose dans un vieux coucou abandonné qu’elle tente de piloter, une troisième meurt de froid… Si on se doute qu’elles finiront, à l’approche des gelées, par se nourrir de cadavres, la première saison garde le mystère. Mais le non-dit de la transgression les rattrape toutes violemment. Vivement la saison 2 !

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