A Nice, des hommes homosexuels « émus » d’être donneurs « pour la première fois de leur vie »


C’est maintenant officiel. Les anciens questionnaires « ont été jetés » pour mettre en place « les nouveaux dès ce mercredi matin », annonce-t-on à la maison du don à Nice qui fait partie des centres de l’Établissement français du sang (EFS). Finies les questions qui demandaient l’orientation sexuelle du donneur et la date du dernier rapport. A partir de ce mercredi, les hommes homosexuels peuvent donner leur sang aux mêmes conditions que le reste de la population.

« Symboliquement », Rodolphe, 42 ans, avait pris rendez-vous pendant sa pause déjeuner. « C’était important pour moi de venir aujourd’hui, au premier jour de la possibilité de donner mon sang aux mêmes critères que les autres. On me redonne un droit à être utile, sourit-il. Il y a vingt ans, j’avais voulu faire la démarche dans l’enthousiasme des collègues et sans connaître les conditions exactes. Au moment où j’ai répondu à la question, on m’a éjecté, tout le monde était stupéfait et je suis resté traumatisé. »

« Une mesure discriminante »

Allongé en train de remplir des poches, Rodolphe découvre alors pour la première fois le fonctionnement de la maison du don. « Même avec la possibilité de donner son sang avec un an puis quatre mois d’abstinence en 2016 et 2019, j’étais resté hermétique à cette question à cause des événements passés. C’était une situation très dure à vivre et très discriminante parce que j’ai grandi avec toutes les campagnes qui scandaient « on a besoin de vous, on a besoin de votre sang ». Mais en fait, non, pas de moi, à cause de mon orientation sexuelle. Alors que finalement, vous pouvez être hétérosexuels et davantage à risques. »

Rodolphe, un homme homosexuel, peut donner son sang pour la première fois de sa vie ce mercredi 16 mars 2022
Rodolphe, un homme homosexuel, peut donner son sang pour la première fois de sa vie ce mercredi 16 mars 2022 – ANP / 20 Minutes

Il ajoute : « D’habitude, je ne suis pas quelqu’un de revendicatif parce que j’estime qu’être homosexuel ne caractérise pas ma vie. Mais là, c’est un moment particulier pour moi. Je vis une avancée sociale et il était temps. D’autant plus qu’on est super bien accueilli, toute l’équipe est adorable. Je risque de revenir et d’être promoteur auprès de mon entourage. »

« L’un des tout premiers donneurs homosexuels de France »

L’ESF Paca Corse « ne s’attendait pas à un afflux en particulier pour ce premier jour » mais la première personne à être venue donner son sang ce mercredi matin était effectivement un homme homosexuel. Erwann avait pris rendez-vous au centre à la première heure, il est devenu « sûrement l’un des tout premiers » donneurs en France.

« J’étais super ému pour deux raisons différentes, explique-t-il. D’abord, parce que je suis né en 1983, c’est-à-dire, l’année où il a été interdit pour les hommes homosexuels de donner leur sang. Et qu’en même temps, mon père, généreux donateur depuis toujours, a atteint la limite d’âge cette année. C’est comme si je prenais le relais. »

Lui aussi a vécu un choc quand, plus jeune, il a été confronté à un médecin qui l’a « rembarré brutalement » et lui a assuré qu’il serait « fiché pour éviter qu’il ne revienne en mentant ». Il était sorti en pleurant, raconte-t-il.

« Quand on se bat, on peut renverser les choses »

Le Breton d’origine a fait cette action en tant que citoyen « parce que ça correspond à [son] histoire personnelle » mais aussi en tant que président du Centre LGBTQIA + Côte d’Azur, « pour faire passer un message associatif ». « Ça prouve aussi que quand on se bat, on peut renverser les choses. Je reprends la citation « les nouveaux droits ne s’héritent jamais, ils se prennent ». Il y a un nouveau critère par rapport au traitement pré ou postexposition au VIH [il faut attendre quatre mois après la dernière prise pour pouvoir donner son sang], mais c’est une période d’observation comme les paliers successifs depuis 2016 l’ont été. La priorité reste que le don du sang soit sécurisé. »

L’infirmière présente à la maison du don acquiesce. « Il reste des médicaments qui peuvent fausser le dépistage du VIH dans les poches de sang… Autrement, on est heureux d’accueillir de nouveaux donneurs ».

Effectivement, début février, l’EFS avait fait un « gros appel aux dons » car « on atteignait les seuils critiques de réserves ». Depuis le début de l’année, dans les Alpes-Maritimes, les besoins sont à 3.350 pour 2.525 dons effectués. « La différence est comblée par l’apport de produits sanguins labiles d’autres régions. Au niveau national, l’autosuffisance est garantie », assure Caroline Lebas, directrice de la communication EFS Paca Corse.

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